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Méthodes et TechniquesL'Histoire de la Créativité

La question au cœur du processus de créativité

Écrit par 7 juin 2019juin 9th, 2020Pas de commentaires9 min
sable desert

Le savoir faire principal d’un animateur en créativité et d’un facilitateur d’intelligence créative tient à une chose : l’art de poser des questions ! Bien sûr, il y a des techniques, qui s’appuient sur des modalités de pensée spécifiques, mais toutes ces « techniques » peuvent finalement se résumer en questions et de « relances ».

Pierre Vermersch définit l’entretien d’explicitation de la façon suivante : « Il s’agit de poser des questions qui ne sont pas au bénéfice de celui qui les pose mais de celui qui y répond, qui aident à formaliser sans induire de réponse. Ensuite, il faut adopter un système de relance qui permet de pousser « l’interviewé » à aller plus loin dans son exploration, pour toucher des zones, des lieux où il n’irait pas de lui-même spontanément. Pour comprendre l’intérêt d’une telle démarche, il faut comprendre que notre mémoire retient bien plus que ce que nous imaginons. Par la question, l’individu découvre des choses qu’il ignorait qu’il savait. C’est ainsi qu’une question peut générer des prises de conscience individuelles et collectives. »

Ainsi donc, le simple questionnement nous amène à voyager vers des contrées nouvelles et vient titiller notre inconscient, notre intuition, notre imaginaire. Et au cours d’un processus d’intervention créative, on pourrait affirmer que : « l’important c’est que le porteur du projet se pose les bonnes questions » – Une fois ces bonnes questions posées, alors il n’y a qu’un pas à franchir pour que les réponses émergent et les idées fusent.

Comment cela se traduit-il tout au long du processus d’intervention créative ?

1- Le processus de pensée créative ne peut se déclencher qu’à partir d’un défi, d’un challenge formulé de façon à :

  • déclencher l’intérêt, la motivation des personnes à répondre à ce défi, c’est à dire qu’elles y ont un intérêt à le résoudre, qu’elles en sont parties prenantes concernées
  • déclencher l’imaginaire : on sait que les réponses « évidentes » n’ont pas abouti et qu’il va falloir rechercher des alternatives, sortir des sentiers battus, explorer des voies nouvelles et titiller notre imaginaire.
  • mettre en œuvre son pouvoir d’influence dans la décision et la mise en œuvre de la solution, de la création,…

Cela nécessite de faire expliciter 3 niveaux :

  • Les questions sur le réel : nous allons devoir recueillir des données pour contextualiser le projet – Il s’agira de dépasser les freins et limites perceptives à une véritable « observation » du réel, de façon à faire émerger l’implicite – « Il y a, dans cet implicite qui n’a pas encore été questionné, dans ce « supposé connu », un champ immense d’innovations. D’innombrables idées de start-ups sont nées de ce questionnement. C’est au sein de la SNCF que Bertrand Houzel a eu l’idée de créer OpenGOV, un logiciel capable d’optimiser le placement des trains en gare ; c’est en travaillant sur un cas d’école chez Airbus que Yann Bruner a eu l’idée de fonder Donecle, start-up qui révolutionne l’inspection des avions (en 20 minutes avec une seule personne au lieu de 6 à 10 heures en mobilisant 15 à 20 personnes). » nous dit Gaelle Brunetaud.
    Les questions de type qui, fait quoi ? où ? quand, Comment ? Les questions que poserait un enfant de 8 ans désirant réellement comprendre la situation.
  • Les questions sur les affects, sur le ressenti, souvent plus difficiles à expliciter, nécessitant un accès à son intelligence émotionnelle ou affective – Des questions que l’on se pose en faisant la carte d’empathie du porteur du projet, ou des utilisateurs finaux, en explorant les diverses modalités sensorielles – c’est génial si… quand, parce que,…, c’est affreux quand… si… parce que…
  • Les questions de diagnostic : les liens de causes à effet, les conséquences,… du type pourquoi ? qu’est-ce qui empêche ? ou les 5 pourquoi ? ou ce qui se passe à chaque échelon de l’échelle des niveaux logiques (environnement, actions et comportements, compétences et aptitudes, croyances et valeurs, identité et mission, vision) ?
  • Les questions sur le besoin, le désir, la vision : elles vont amener le porteur de projet à se projeter dans le temps, la situation résolue : quelles ouvertures nouvelles, cela permettrait quoi, qu’y gagnerait-il, et les autres, les transformations du système, les changements d’affects, ce serait magique si… Si on réussit, ça nous permettra de…, et alors, du coup, on pourrait… « Si ce problème était bien résolu, loin derrière vous, que feriez-vous ensuite? », « Le problème est résolu, tu peux enfin passer à la suite, à ce que tu veux vraiment faire. C’est quoi ? », « Si cette situation disparaissait subitement, que feriez-vous pour être satisfait ? », « Si la situation était parfaite, à quoi ressemblerait-elle … »

A partir de là, le challenge créatif pourra alors être reformulé à partir d’une question qui commence par « comment faire pour… » suivi d’un verbe d’action exprimé de façon positive et explicite si l’on est dans une dynamique de résolution créative de problèmes ou dans un recherche d’innovations de produits, de services ou d’organisation. Il peut aussi se poser sous la forme « quelles hypothèses nouvelles ou scénaris nouveaux » si l’on est dans la prospective.

L’on sait que de la façon dont je pose le challenge vont déboucher des recherches d’idées vers des pistes très différentes.
Prenons cet exemple un peu caricatural, si je pose à mon équipe R&D les challenges suivants :

  • comment faire pour tuer les cellules cancéreuses?
  • comment faire pour que cellules saines et cellules cancéreuses cohabitent pacifiquement?
  • comment faire pour que les cellules cancéreuses ne s’éparpillent pas partout?
  • comment faire pour que l’organisme déclenche son immunité en cas de cellules cancéreuses?

Vont-elles mobiliser le même type de recherche d’idées ? La force du questionnement va donc me permettre d’ouvrir le champ de perception, d’aller au delà des évidences et de regarder le réel différemment, avec d’autres regards.

2 – Dans la phase de recherche d’idées, de production d’imaginaire, l’animateur stimule fréquemment l’imaginaire par des questions permettant des connexions forcées

  • Questionnements associatifs : cela vous évoque quoi ? À quoi cela vous fait-il penser, Et quoi encore, et
    quoi encore…
  • Questionnements analogiques : et si c’était comme, cela ressemble à… et donc, si on changeait d’univers, de monde, de temps, d’espace, on résoudrait la question comment ?
  • Questionnements d’altération : et si on cassait, et si on inversait, et si on supprimait, et si on grandissait, et si on…
  • Questionnements projectifs et oniriques : et si nous avions tous pouvoirs, et si je disposais d’une machine magique, que ferait tel ou tel héros préféré ?…

3 – Dans la phase de développement de l’idée vers le projet, là encore de nouvelles questions vont nous permettre
d’avancer

  • Le scénario catastrophe : comment faire pour échouer, comment faire pour que le projet soir rejeté,… ? « Si ce projet devait capoter à cause d’un détail, ce serait où ? »
  • Le questionnement sur les alliés et d’ennemis : qui aurait intérêt à ce que vous échouiez/réussissiez ? Que sont-ils prêts à faire pour que vous échouiez réussissiez?
  • Le questionnement sur l’argumentaire : qui disent nos concurrents, vous fournisseurs, vos salariés, « Comment allez-vous expliquer votre point de vue à votre collaborateur ? »
  • Le questionnement sur le plan d’action : « Quel serait l’ordre logique, pour mener ce projet dans le temps ? » – « Si vous découpiez le problème en dix morceaux, quel serait le premier morceau très gérable, à entamer demain ? »

La question puissante

Marcel Gemme, formateur de coachs, explique dans un article sur la question puissante :
En fait, la question puissante vise surtout à élargir la conscience du client. La maîtrise de la technique des questions puissantes est donc une habileté observable chez tout coach talentueux. Une question puissante génère normalement un silence (de réflexion) chez celui qui la reçoit ou une expression du style : « Hum ! Bonne question ! ». Si la réponse vient trop rapidement, la question n’était pas puissante. La question puissante agit comme un révélateur. Elle déclenche le dévoilement d’éléments inconnus et ajoute à la conscience et à la perspective (croyances, émotions, perceptions, etc.) du client.

  • Elle peut inviter à se dépouiller de ses propres filtres pour observer la réalité avec plus d’objectivité.
  • Elle invite à conscientiser et parfois réviser ses postulats.
  • Elle peut favoriser une perception plus juste.
  • Elle peut permettre d’atteindre plus de profondeur.
  • Elle peut modifier la lecture de la réalité et ouvrir sur de nouveaux horizons.
  • Elle peut faire exécuter un bond quantique, une percée.
  • Elle peut donner du recul et parfois déverrouiller les certitudes.
  • Elle favorise la prise de conscience et du coup suscite la découverte…

Le questionnement créatif a essentiellement pour vertu de décentrer le regard. C’est une sorte d’ouvre-boîte qui nous aide à sortir des ornières mentales qui créent le problème, afin de nous permettre de trouver des solutions nouvelles.

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