Ceci n’est pas un scoop : nous changeons de paradigme ! [1] Passer d’un modèle de société à un autre n’est pas un long fleuve tranquille, qui plus est à l’échelle planétaire. Mais cela ne pourrait-il pas le devenir ?
L’apaisement et la régénération du monde passent par une réconciliation individuelle et collective. Elle est capable de nous relier dans la diversité, sans adversité. Elle ne peut se réaliser qu’avec ce qui nous unit le plus profondément : notre humanité.
Mise à rude épreuve, nous nous en sommes éloignés. Rien de tel que le codéveloppement créatif pour nous aider à la retrouver. C’est dans cette humanité que sommeillent des trésors insoupçonnés.
Le difficile passage d’un monde vers l’autre…
Passer d’un vieux monde ultra-prosaïque épuisant vers un nouveau monde poétique et vivifiant ne s’accomplit pas sans heurts ni tensions. Les chocs multiples auxquels confronte l’actualité, de façon répétée, nous font vivre l’expérience intense de l’incertitude et de la vulnérabilité. Les excès de l’approche fractionnée, mécaniste, financière du vivant n’ont pas fait qu’épuiser les ressources de la planète. Ils ont profondément blessé les cœurs et les âmes du monde au nom d’un progrès aveugle aux lois de la Vie.
Les besoins vitaux humains ne se résument pas à manger, travailler et dormir. S’agissant de ces besoins, les nourrir en conscience de façon saine constitue un sérieux défi. L’humain a aussi besoin vitalement et indissociablement de respirer, aimer, jouer, sentir, méditer, philosopher, aider, se faire aider, coopérer, danser, rêver, expérimenter, créer… Dit autrement « vivre poétiquement » en partage.
« Je crois que l’idée de vivre poétiquement est capitale parce que partout la prose, c’est-à-dire les choses qui ne vous intéressent pas, les choses que vous subissez par contrainte vous encerclent, vous envahissent, vous parasitent. Essayez alors de lutter. Vivez poétiquement. La poésie ne doit pas seulement être une chose écrite, lue, récitée. C’est une chose qui doit être vécue. »
Edgar Morin
Au fil du temps, les dynamiques intériorisées des vieux modèles de domination-soumission conduisant à l’isolement, l’auto-asservissement, la déshumanisation sont devenus plus visibles. Parmi eux : conformisme, contrôle, punition, pression, peur, manipulation, dette, dépendance, emprise, séparation, compétition, lutte, productivisme, extraction, manque, quantification, objectivisation, standardisation, robotisation,…
Le constat des dommages interdépendants de telles dynamiques n’est pas nouveau : environnement, climat, santé physique et mentale, relations sociales, économie, habitat… Notre regard egocentré individualiste doit s’ouvrir à la systémique holistique pour ne plus participer aveuglément à l’appauvrissement de la nature, de notre nature, de notre humanité.
« Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale que d’être adapté à une société malade. »
Vivre dans un monde en crise, Jiddu Krishnamurti
Le modèle de survie guerrier a montré combien il pouvait rendre fou, malade, insensé. Il n’offre pas de grandir en sérénité, vivre en dignité, se relier en humanité. Il nourrit, au contraire, un même mécanisme de violence à tous les étages de la société et du monde (institutions, organisations, école, famille, individu …).
Nous sommes urgemment invités à quitter le paradigme pathologique du « triangle de Karpman » [2], des injonctions paradoxales [3] et de la violence banalisée (« violence ordinaire ») pour accomplir le rêve plus que pragmatique d’une humanité pacifiée.
Il convient de faire un choix : celui de la réconciliation avec soi-même (d’abord), l’autre, les autres différents, l’humanité toute entière, sans plus se replier, s’amoindrir, se mutiler, s’étouffer, se violenter. Regardons bien en face les ombres du passé pour ne plus s’y égarer. Ouvrons grand les horizons d’un avenir éclairé. Prenons soin des intelligences de l’enfance. Ce choix demande du courage. Il ne peut se faire que de façon radicale et durable.
Être humain, libérer nos ressources naturelles
A l’intérieur de nous et entre nous, de merveilleuses ressources naturelles existent déjà. Elles sont aptes à accomplir cette réconciliation dont nous avons tant besoin pour guérir nos blessures, guérir nos relations, guérir le monde, éclairer le juste sens du bien-être commun.
Mais il nous faut préalablement nous accorder sur un principe fondamental : « Oui, la nature humaine est bonne ! » (Comment la violence éducative la pervertit depuis des millénaires, Olivier Maurel – Robert Laffont). Si elle cesse d’être abimée à la racine, cette nature peut se révéler dans toute sa beauté, sa force, sa fragilité, sa complexité.
Les fondations saines d’un nouveau modèle de société peut en permettre l’émergence : bienveillance, non-violence, confiance, respect, lâcher prise, empathie, altruisme, compassion, entraide, créativité, souveraineté, diversité, coopération, responsabilité, sobriété, simplicité, énergie, amour, abondance, paix…
Le vieux contrat social propriétaire qui promettait la protection contre la soumission a édifié de bien dures carapaces. Il hante encore l’inconscient collectif et active les réflexes défensifs. Chaque nouveau choc réveille les mémoires de souffrance et la peur exacerbée de perdre sa sécurité, ses points d’appui, son toit, son appartenance à la société, son identité, son existence même…
Comme pour les hommes enchaînés de la caverne de Platon, il est difficile d’oser tourner son regard vers la lumière d’une autre réalité qui pourrait éblouir. Se détacher des trois grands illusionnistes que sont le jugement, le cynisme et la peur [4], sortir de l’impuissance apprise n’est pas si aisé. Nos blessures ont besoin d’être pensées, soignées, nos architectures neuronales ont besoin de se transformer.
L’état du monde ne nous laisse plus le choix. Le vieux contrat social n’est pas viable. Un nouveau peut venir le remplacer : un contrat d’humanité. La direction à prendre nous est montrée depuis bien longtemps déjà. « Que l’on s’efforce d’être pleinement humain et il n’y aura plus de place pour le mal » disait Confucius. Plus proche de nous, Edgar Morin faisait le constat qu’« il nous faut un humanisme régénéré et ré-humanisé pour que tous les êtres humains soient reconnus par des gestes concrets comme des humains tout simplement ».
Pour grandir harmonieusement de façon durable, il nous faut reconnaître la pleine légitimité de chaque humain à être et à vivre (et non pas simplement survivre) en écologie avec sa nature profonde, créatrice, interconnectée. Nous devons désapprendre pour apprendre à co-évoluer en paix, respecter la vulnérabilité, les talents et biorythmes singuliers, la biodiversité.
« Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien. »
Le soin est un humanisme, Cynthia Fleury
Et si nous arrêtions de courir à toute vitesse après… Rien ?
Trouvons donc le courage « d’ouvrir notre esprit, notre cœur et notre volonté » [5] pour oser libérer nos si précieuses ressources naturelles et rendre possible un tel contrat d’humanité.
Il s’agit là d’une éthique collective. « Si l’homme courageux est toujours solitaire, l’éthique collective du courage est seule durable. » La fin du courage, Cynthia Fleury
Le codéveloppement créatif nous montre le chemin !
Sans relations conscientes, en égalité, en liberté et en fraternité (bien vivantes et pas seulement sur le papier…), une société humaine n’est pas envisageable. Il ne s’agit plus de dominer ou se soumettre, de perdre ou de gagner, de savoir pour ou mieux qu’autrui. Il s’agit de partager une qualité de présence, de lien et de dialogue créatifs où l’autonomie, l’engagement et la responsabilité peuvent pacifiquement coexister.
Être et se relier en authenticité, sans masque, sans honte, sans besoin de se protéger, de fuir ou de combattre constitue un enjeu de base considérable. Cela peut sembler bien périlleux dans des contextes qui fonctionnent encore sur la pression, l’hyper-compétition, la coercition, la remplaçabilité humaine.
Il est pourtant possible d’en faire une réalité en acceptant de lâcher les habitudes usées et usantes du passé, cesser de se maltraiter, renouer sans peurs avec son plein pouvoir créateur, relier son irremplaçabilité avec celle d’autres, sans chercher à imposer sa toute puissance [6].
Le codéveloppement créatif [7] peut très puissamment aider à cheminer dans cette métamorphose co-émancipatrice, lui qui offre d’œuvrer – avec douceur et lucidité – à la ré-union de nos humanités profondes.
Son esprit, son cadre déontologique, ses intentions, ses postures, son processus facilitent la réappropriation circulaire de nos hauts potentiels cachés :
- sortir des postures expert, « faire de la place à l’incompétence » (Formule de Adrien Payette et Claude Champagne),
- désapprendre pour réapprendre,
- suspendre les voix du jugement, du cynisme, de la peur, cultiver la bienveillance, la confiance, le parler vrai,
- prendre soin de soi, les uns des autres, être présent en éveil de tous les sens,
- oser demander de l’aide sans se réduire, sans renoncer à sa liberté, sans redevabilité,
- accueillir chacun tel qu’il est, comme il est, là où il en est, sans chercher à le transformer,
- accepter ses ombres, ses imperfections [8] pour mieux laisser passer la lumière,
- dire sans crainte, s’ouvrir à l’intelligence émotionnelle, oser les cris du cœur !
- pratiquer l’écoute active et empathique, voir avec les yeux l’autre, sans se confondre,
- questionner de façon ouverte, sans préjugés, sans solutions,
- comprendre un besoin, le situer à bon niveau, éclairer les angles morts,
- aider sans chercher à sauver, sans prendre le pouvoir ou manipuler, en respect de la souveraineté
- sortir du mode réactif, communiquer de façon assertive, sans violence,
- ralentir et observer le flux de la/des pensée(s), prendre le temps de la réflexivité, du second souffle,
- explorer de façon systémique et holistique les différents niveaux et dimensions invisibles d’une situation,
- faire danser ensemble les intelligences multiples : attentive, créative, analytique…,
- écouter le silence, apprécier sa fertilité, contribuer sans urgence à un juste moment,
- sentir-penser en/par soi-même avec les autres, se nourrir de l’intelligence collective créative,
- dépasser la dualité, les tensions, élever son niveau d’énergie, le nombre de ses choix possibles,
- pratiquer l’écoute générative, se connecter à son intuition, à ses désirs profonds, à la source créative,
- croire en ses rêves, laisser émerger le potentiel futur le plus élevé, ce que la vie appelle à faire,
- prendre le risque de l’action transformatrice, faire de l’erreur son alliée d’apprentissage,
- exercer sa flexibilité sans se sur-adapter, sans s’épuiser, savoir non-agir,
- s’auto-former, s’auto-actualiser, s’auto-évaluer, s’auto-transformer avec le soutien des pairs,
- être résilient, renaitre chaque jour à soi-même, s’aimer, aimer, se laisser transformer…
Oui, le codéveloppement créatif nous apprend tout cela et bien d’autres choses encore que les mots ne peuvent, à eux seuls, traduire.
Relions nos humanités, osons la puissance de la coévolution !
Bien avant les récentes découvertes en neurosciences, le courant de la créativité humaniste a considéré l’être humain dans son entièreté (corps-cœur-esprit) et reconnu la puissance de son potentiel créateur naturel. Il a aussi compris assez tôt les effets pervers de la séparation et de l’étouffement de l’énergie créatrice présente en chaque être humain.
Cette créativité là [9] emploie des langages pluriels où l’attention et l’intuition ont le droit d’exister pleinement. Elle ne fait pas qu’ouvrir des fenêtres (plutôt que construire des murs) [10]. Elle révèle et relie nos architectures invisibles dans un champ d’expression subtile qui transcende la linéarité et les préconçus du langage verbal.
Le codéveloppement créatif soutient la puissance de la méthode originelle, en y intégrant – sans la dénaturer – certaines techniques de créativité corporelles, visuelles, oniriques, spécialement choisies. Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi avec le codéveloppement. Employé d’une certaine manière, le photolangage compte parmi les outils capables d’augmenter la fertilité du champ d’exploration et de reliance.
La pratique du codéveloppement créatif forge, au fil du temps, une posture multi-facettes et multi-niveaux dont tout un chacun aura besoin pour être pleinement acteur, conscient et responsable, d’un monde humain : la posture de facilitation. Cette posture ne s’apprend pas en suivant une technique. Elle se construit par l’expérience, avec humilité, patience et discernement. Elle se vit dans une intériorité et une altérité placée au service de l’intelligence de la Vie, des humanités, de l’humanité. Les dimensions plurielles de l’être (corps-cœur-esprit) y œuvrent en vigilance sereine. La facilitation est un « art énergétique relationnel » [11] qui s’exerce et s’affine.
N’attendons plus. Ouvrons grands les espaces au codéveloppement créatif, relions nos humanités profondes, osons la puissance de la coévolution !
Vous formez au Codéveloppement créatif chez Iris Créativité, cliquez ici.
[1] Un changement de paradigme correspond à une modification profonde de tout ce qui participe à la vision du monde : valeurs, croyances, représentations, façon de regarder, de penser, d’agir. [2] « Triangle de Karpman » : figure d’analyse transactionnelle proposée par Stephen Karpman qui met en évidence un scénario relationnel typique entre victime, persécuteur et sauveur. [3] L’injonction paradoxale consiste à placer une personne entre deux obligations contradictoires qui l’empêche d’agir de façon adéquate tant qu’elle n’en est pas consciente et ne peut, dès lors, s’en dégager. Ce mécanisme a été identifié comme générateur de souffrance psychique pouvant conduire à la schizophrénie. [4] Les 3 ennemis du changement dans la Theorie U de Otto Scharmer, Presencing Institute. [5] Selon le modèle proposé par Otto Schermer : Ouvrir son esprit consiste à suspendre ses habitudes de pensée afin de voir les situations d’un regard neuf. Ouvrir son cœur amène à s’ouvrir à l’empathie et percevoir les situations du point de vue de l’autre. Ouvrir sa volonté correspond à la capacité de lâcher prise sur l’ancien afin de laisser advenir le nouveau. [6] Formule inspirée du livre « les irremplaçables » de Cynthia Fleury – Folio essais [7] En référence au codéveloppement facilité par un facilitateur sérieusement formé à la méthode, dans le respect du cadre déontologique, de l’esprit, des intentions, des postures et du processus de la méthode tels qu’élaborés par Adrian Payette et Claude Champagne, les fondateurs canadiens de la méthode. [8] L’apprentissage de l’imperfection, ne plus avoir peur d’être soi – Tal Ben-Sahar – Pocket [9] On distinguera la créativité humaniste d’un certain usage mécaniste de méthodes créatives à des fins productivistes qui ne sert pas toujours l’humain. [10] Inspiré de la formule du titre d’un livre de Marshall B. Rosenberg : Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Introduction à la communication non violente. Le codéveloppement créatif apprend à parler au « JE », sans pouvoir utiliser « le TU qui tue ». [11] Formule reprise de « L’art de la facilitation : un art énergétique relationnel, une espérance pour la démocratie » Denis Cristol et Cécile Joly – Editeur Esf